RD Congo, « pays-solution » au problème du réchauffement climatique
Madame Eve Bazaïba est la vice-Première ministre, ministre de l’environnement et du développement durable de la République démocratique du Congo (RDC). A l’en croire, la RD Congo est un « pays-solution » au problème du changement climatique de par sa position stratégique. La vice-première ministre congolaise nous présente la contribution que son pays compte apporter dans la lutte contre le changement climatique. Entretien (première partie)
Français-Afrique – Cité du Vatican
“Madame la ministre, quelle est la situation globale du secteur de l’environnement en République démocratique du Congo ?”
De plus en plus, de Congolais comprennent l’importance de l’environnement, des potentialités environnementales dont le pays regorge, surtout en matière de massifs forestiers et de ressources hydrauliques. Néanmoins, nous avons beaucoup de défis à relever au niveau de l’environnement, en particulier dans l’assainissement.
“S’agissant de la Cop26, la conférence internationale sur les changements climatiques qui aura lieu à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021, quelle sera la contribution de la RDC ?”
La RDC va se présenter comme un « pays-solution » face au problème du réchauffement climatique. Notre contribution pour l’atteinte de l’objectif de l’atténuation de la température mondiale de 1, 5 °C comporte trois volets. Le premier volet est relatif à nos massifs forestiers. En effet, la RDC regorge d’environ 70% des forêts du bassin du Congo. Nos massifs forestiers sont intacts en grande partie et ont la capacité nécessaire de séquestration de toutes les pollutions des années antérieures et actuelles émises à travers le monde (sic).
Nous sommes dans une approche de restauration de ces écosystèmes et de préservation de ces forêts pour nous-mêmes et pour l’humanité. Le deuxième volet de la « RDC-Solution » concerne le réseau hydraulique. Le fleuve Congo, avec tous ses affluents, constitue 10% des réserves mondiales d’eau douce et 50% de la réserve des eaux douces en Afrique. Par ailleurs, le débit du fleuve Congo nous permet de développer la capacité de l’hydroélectricité. Dans cette optique, nous présentons le barrage d’Inga comme une solution.
Si les 4 turbines d’Inga étaient opérationnelles, la desserte en électricité des Congolais pourrait passer de 14% à 60, voire à 70 %. Les autres pays africains proches de nous pourraient également en bénéficier. L’utilisation de l’énergie propre diminuerait la pression sur les forêts, qui s’exerce notamment avec l’utilisation du bois de chauffe. Cela permettrait également d’atteindre les objectifs du programme de l’atténuation. Le troisième volet de la RDC comme « pays-solution » est celui des minerais stratégiques.
Nous sommes aujourd’hui dans l’ère de l’économie écologique qui demande à ce que nous puissions réduire la pollution dans la fabrication et les industries (…) A ce sujet, la RDC est une solution avec ses minerais stratégiques tels que le cobalt, le lithium et le coltan.
“Qu’en est-il de la réunion ministérielle préparatoire à laquelle a participé la RDC, dans le cadre du prochain sommet du G20 qui va se dérouler les 30 et 31 octobre, sous la présidence de l’Italie ?”
Les ministères congolais de l’environnement, de l’éducation, des affaires étrangères et des finances ont participé à ces réunions préparatoires. Nous avons présenté la même politique et la même approche de la RDC comme « pays-solution ».
Nous sommes actuellement dans la voie de la mobilisation des ressources et de la valorisation de notre économie car, désormais, la RDC fait le lien entre l’environnement et l’économie. La RDC souhaiterait que la population congolaise profite de ses potentialités environnementales, lesquelles doivent se traduire en richesses, censées nous permettre d’atteindre les objectifs de développement durable. Les Congolais vont consentir des sacrifices, certes. Ils vont changer de comportements pour protéger les forêts et pour gérer rationnellement les ressources.
Mais ces sacrifices et ces abnégations en faveur de l’humanité valent une compensation. Ce n’est pas un don, mais plutôt un droit. (…) Nous devons nous adapter à la nouvelle donne du climat. Tous les Etats du monde doivent adopter de nouveaux comportements et changer leur manière d’agir. Ils doivent poser des actes responsables pour la préservation de l’environnement.
Le potentiel que nous avons en RDC nous oblige à la responsabilité. (…) La RDC a aussi présenté ses ambitions de ramener les projecteurs du monde ici sur place au Congo. C’est pourquoi, nous nous sommes positionnés pour l’organisation de la pré-COP27. (…) C’est bien de parler des potentialités de nos forêts et de nos ressources en eau, à travers le monde, mais c’est encore mieux que le monde vienne ici voir à quoi ressemble les mangroves au Kongo-central ou encore les tourbières que l’on trouve un peu partout en RDC (…)
“Le développement durable relève également de votre ministère. C’est un champ très vaste…”
Notre action s’inscrit toujours dans l’horizon des 17 objectifs du développement durable au niveau de l’agenda mondial, d’ici 2030, et de l’agenda africain, d’ici 2063. Nous parlons de la valorisation des ressources de la RDC qui a érigé l’environnement au niveau de la vice-Primature pour lui donner toute son importance. En parlant du lien entre environnement et économie, nous visons la transformation de notre potentiel en richesses qui nous permettent d’atteindre les objectifs de développement durable.
Lorsque que nous parlons, par exemple, de l’argent du crédit carbone, il ne s’agit pas d’espèces que l’on donnerait aux Etats afin d’user à leur guise. C’est plutôt une compensation en termes d’ouvrages sociaux. Par exemple, si les forêts du Mayombe ont une capacité donnée en matière de crédit carbone, nous pouvons bénéficier, en échange, de la construction du port en eaux profondes de Banana. Il en est de même des forêts du Katanga, de Monkoto, de la Tshuapa ou du Maï-Ndombe.
Cela peut nous permettre de construire notamment plusieurs kilomètres de routes. Les compensations peuvent prendre la forme de construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux ou de toute autre infrastructure sociale. On peut aussi booster la capacité du barrage d’Inga ainsi que la desserte en eau potable.
C’est comme ça que nous pouvons atteindre l’objectif de lutte contre la pauvreté, qui est l’objectif premier. (…) Mais pour que nous puissions atteindre tous ces objectifs, il faudrait nous focaliser sur l’objectif 17 qui est le partenariat gagnant-gagnant. A tous les partenaires au développement et à la communauté internationale, nous disons qu’il faudrait absolument, pour la RDC, quitter l’approche de l’aide au développement pour aller vers un partenariat gagnant-gagnant.