Financement raté des forêts tropicales du bassin du Congo, faut-t-il espérer en Février 2025?

Les questions de financement laissées en suspens à l’issue de la conférence sur la biodiversité COP16 qui s’est tenue à Cali, en Colombie, en novembre dernier, sont préoccupantes pour la conservation des forêts tropicales de la RDC. Ces discussions ont été reportées au mois de février prochain.

Malgré les appels à une plus grande mobilisation pour préserver ses forêts essentielles pour l’équilibre planétaire lors des négociations sur la biodiversité de la COP16, tenue du 21 octobre au 1er novembre 2024 à Cali, en Colombie, la RDC se retrouve dans l’inquiétude concernant la question du financement faute d’accord sur la feuille de route financière destinée à stimuler les timides efforts de l’humanité pour stopper la destruction de la nature d’ici 2030, dont la clôture formelle des travaux est reportée au mois de février prochain à Rome, comme l’a annoncé le porte-parole de la Convention sur la diversité biologique (CDB), David Ainsworth. Les 196 pays membres de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, dont la RDC, se sont quittés le 2 novembre dernier loin d’avoir rempli la mission qu’ils s’étaient fixée : déterminer les engagements financiers nécessaires à la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité, signé lors de la COP15 en 2022.

A l’issue de plusieurs débats intenses et houleux qui s’étaient prolongés jusqu’au petit matin du samedi 2 novembre, les délégués présents à la conférence sont enfin parvenus à aborder le sujet le plus sensible de leurs discussions : la mobilisation de 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour protéger et restaurer la nature. Cet objectif ambitieux inclut une contribution de 30 milliards de dollars d’aide annuelle en provenance des pays riches de l’hémisphère Nord.

Effectivement, la majorité des pays abritant la plus grande biodiversité se situent dans l’hémisphère sud, avec un grand nombre d’entre eux classés parmi les pays en développement. La République démocratique du Congo occupe la deuxième place dans ce classement, suivie de la région amazonienne. Ces nations, qui sont les premières à ressentir les effets de la crise de la biodiversité, doivent également faire face aux conséquences des modes de consommation des pays du Nord.

En 2022, pour tenter de réduire les déséquilibres, les États signataires de la Convention sur la diversité biologique ont pris l’engagement ambitieux de mobiliser 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Dans le cadre d’un fonds dédié, les pays développés ont promis d’y contribuer à hauteur de 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, puis de porter cette somme à 30 milliards par an d’ici 2030. Ces fonds doivent être spécifiquement alloués à des projets initiés localement par les pays en développement. Cependant, les engagements financiers sont encore loin du compte. En septembre, seulement 400 millions de dollars avaient été promis, dont 244 millions provenant de nations comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Japon, le Luxembourg, et principalement le Canada, pays hôte de la COP15.

Le blocage

Après plus de dix heures de discussions en séance plénière, les négociations ont enfin atteint le point le plus sensible : la question de la création d’un nouveau fonds exclusivement dédié à la biodiversité. Cette demande, portée principalement par le groupe Afrique et le Brésil, repose sur leur constat que le mécanisme financier actuel est non seulement complexe à utiliser, mais aussi insuffisamment représentatif de leurs besoins. Ils expliquent qu’ils ont du mal à obtenir des financements ou du fonds pour l’environnement mondial

De l’autre côté, des pays occidentaux comme l’Union européenne, le Japon, le Canada et l’Australie ont fermement exprimé leur réticence face à l’idée d’ajouter un fonds multilatéral supplémentaire à ceux déjà existants pour l’aide au développement. Il réclame à ces pays du Sud global la création d’un nouveau fonds dans lequel les pays qui abritent une plus grande biodiversité auraient une plus grande influence sur le processus de décision. De plus,ils estiment que créer un fonds leur fera perdre du temps alors qu’ils en ont déjà pas beaucoup et ils veulent eux une modification du système existant pour faciliter l’accès des pays du Sud global à ces ressources.

Les discussions se sont envenimées autour de cette question centrale, illustrant une fois de plus le fossé qui sépare les attentes des pays en développement, souvent en première ligne face à la crise environnementale, et les priorités des nations plus aisées, soucieuses de rationaliser les mécanismes de financement international. Cette divergence reste l’un des principaux obstacles à une mobilisation financière globale et efficace en faveur de la nature.

Enjeu

Le Brésil, la République démocratique du Congo (RDC), l’Indonésie… Ces nations, communément appelées pays « mégadivers », occupent environ 10 % de la surface terrestre. Cependant, leur importance pour la planète est bien plus grande, puisqu’elles abritent près de 70 % de la biodiversité terrestre. Elles sont le refuge de millions d’espèces végétales et animales, dont une grande partie est unique à ces régions. Ces pays accueillent également les plus vastes bassins forestiers du monde, véritables “poumons de la Terre”, qui jouent un rôle régulateur du climat, de séquestration du carbone et de préservation des écosystèmes.

La conservation forestière et la biodiversité sont parmi les enjeux importants en RDC pour le développement économique durable au niveau local, ainsi que les mesures de lutte contre le changement climatique au niveau mondial. Puissance mondiale environnementale, le pays dispose de plus de 155 millions d’hectares de forêts soit 67% de son territoire.

Le négociateur de la RDC exprime sa déception.

Nicky Kingunia, négociateur en chef de la République démocratique du Congo (RDC), a déclaré à Rfi : « Nous pensions que nous allions adopter le document tout de suite, puisque tout le monde avait été consulté. Nous avons été surpris de voir que les autres voulaient encore qu’on leur donne plus de temps… A la dernière minute, ils n’ont pas voulu adopter le document, ce qui prouve qu’ils n’étaient pas d’accord. Malgré toutes les consultations que nous avons eues, c’est déjà un signe de mauvaise foi ».

Comme si cela était prémonitoire, les propos de la ministre Susana Muhamad, présidente de la COP16, semblent illustrer la difficulté des négociations : « C‘est l’une des questions les plus complexes à aborder au sein de la COP, en raison des divergences profondes entre les parties, les présidents et les délégués. »

Ainsi, au matin final, la ministre a décidé de suspendre les négociations lors du sommet des Nations unies, constatant l’absence de quorum après que plusieurs délégués, épuisés par une nuit blanche en plénière, aient quitté la session pour attraper leur vol. « C’est terminé », a-t-elle annoncé depuis la tribune, félicitant ses équipes pour leur travail.

Vers en espoir en février ?

La clôture formelle des discussions a été reportée du 25 au 27 février 2025, à Rome. C’est au siège de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) que ces négociations de la COP 16 sur la diversité biologique reprendront, comme annoncé par le Bureau de la COP le mercredi 27 novembre 2024.

Concernant la possibilité de surmonter ces obstacles lors des prochaines négociations en février, M. Nicky déclare :

« Nous devons maintenir notre position en faveur de la création d’un fonds dédié à la biodiversité, placé sous l’autorité et le contrôle de la COP, lors de la réunion de février. De plus, un processus intersessions devrait être mis en place pour préparer les modalités de mise en œuvre de ce fonds en vue de la COP17. Si aucun accord n’est trouvé, nous proposerons d’instaurer ce processus intersessions lors de la réunion de février, afin de définir les modalités de mise en œuvre de ce fonds pour la COP17. »

Il ajoute également :

« Il serait nécessaire de revoir certaines procédures d’accès aux fonds existants afin qu’elles soient plus flexibles. Parallèlement, nos pays doivent élaborer et mettre en œuvre des plans de financement et de mobilisation des ressources financières. Enfin, il est impératif d’inciter les pays développés à respecter leurs engagements, conformément à l’article 20 de la Convention sur la diversité biologique et à la cible 19 du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal. »

Reste à savoir si ces discussions de février permettront enfin de concrétiser les espoirs d’un fonds dédié à la biodiversité et d’une réforme des mécanismes d’accès aux financements. Pour la RDC, dont les forêts abritent une biodiversité cruciale pour l’équilibre planétaire, l’enjeu est de taille : ces engagements tant attendus des pays développés pourraient-ils enfin se traduire par des actions tangibles pour préserver ce patrimoine inestimable ?

Djify ELUGBA